mardi 9 juillet 2013

"Cet organisme vivant ne change pas de nature: s'il était humain, il reste humain"


Pr Emmanuel Sapin, chef du service de chirurgie pédiatrique et néonatale au CHU de Dijon et spécialiste de chirurgie fœtale

LE FIGARO- Pourquoi êtes-vous opposé à la recherche sur l'embryon?
EMMANUEL SAPIN.- L'embryon est défini comme un organisme en développement depuis la première division jusqu'au stade où les principaux organes sont formés. Ainsi si l'on ne peut scientifiquement attribuer à l'embryon humain la qualité de personne humaine, il n'en demeure pas moins que l'embryon humain correspond bien à une période de développement de l'être humain. Au cours de cette période qui précède celle du fœtus, du nouveau-né, de l'enfant puis de l'adulte, cet organisme vivant ne change pas de nature: s'il était humain, il reste humain. Et cela, l'examen scientifique, largement conforté par la génétique, peut l'affirmer, dès l'analyse des premières cellules, porteuses d'une seule et même identité qui en fait un être unique.


On ne peut pourtant pas dire que l'embryon est une personne…
Si le scientifique en tant que scientifique ne peut affirmer qu'un «embryon est une personne humaine», il ne peut davantage affirmer qu'un «embryon n'est pas une personne humaine». Il est important de rappeler que l'embryon dispose d'un statut de patient. Ainsi, il se trouve au cœur d'un grand nombre de pratiques médicales visant à le protéger de divers facteurs susceptibles de nuire à son développement: stress maternel, interactions médicamenteuses, rayonnements ionisants. Les techniques de diagnostic prénatal se définissent d'ailleurs en tant que «diagnostic porté sur l'embryon».

Ces cellules embryonnaires ont-elles un intérêt thérapeutique?
Les avancées actuelles en médecine régénérative se sont faites sur les cellules souches adultes - avec, déjà, des applications pratiques et des perspectives importantes - et les cellules iPS (induced pluripotency stem cells), dont la découverte a valu à son découvreur, le Pr Yamanaka, le récent prix Nobel de médecine. Or, aucune de ces voies de recherche prometteuses ne pose de problème éthique. À ceux qui pensent que la France, en n'autorisant pas cette recherche sur l'embryon, serait à la remorque des autres nations, il apparaîtrait opportun de les informer du retard pris inconsidérément dans les recherches sur les cellules adultes et iPS qui, pourtant, concentrent tout l'intérêt de débouchés avec des thérapies innovantes dans de nombreuses pathologies, dans des délais prévisibles. Une loi autorisant les recherches sur l'embryon humain, et qui conduit à sa destruction, apparaît scientifiquement injustifiée et éthiquement inacceptable.