Pr
Emmanuel Sapin, chef du service de chirurgie pédiatrique et néonatale au CHU de
Dijon et spécialiste de chirurgie fœtale
LE
FIGARO- Pourquoi êtes-vous opposé à la recherche sur l'embryon?
EMMANUEL SAPIN.- L'embryon est défini comme
un organisme en développement depuis la première division jusqu'au stade où les
principaux organes sont formés. Ainsi si l'on ne peut scientifiquement
attribuer à l'embryon humain la qualité de personne humaine, il n'en demeure
pas moins que l'embryon humain correspond bien à une période de développement
de l'être humain. Au cours de cette période qui précède celle du fœtus, du
nouveau-né, de l'enfant puis de l'adulte, cet organisme vivant ne change pas de
nature: s'il était humain, il reste humain. Et cela, l'examen scientifique,
largement conforté par la génétique, peut l'affirmer, dès l'analyse des
premières cellules, porteuses d'une seule et même identité qui en fait un être
unique.
On ne
peut pourtant pas dire que l'embryon est une personne…
Si le scientifique en tant que scientifique
ne peut affirmer qu'un «embryon est une personne humaine», il ne peut davantage
affirmer qu'un «embryon n'est pas une personne humaine». Il est important de
rappeler que l'embryon dispose d'un statut de patient. Ainsi, il se trouve au
cœur d'un grand nombre de pratiques médicales visant à le protéger de divers
facteurs susceptibles de nuire à son développement: stress maternel,
interactions médicamenteuses, rayonnements ionisants. Les techniques de
diagnostic prénatal se définissent d'ailleurs en tant que «diagnostic porté sur
l'embryon».
Ces
cellules embryonnaires ont-elles un intérêt thérapeutique?
Les avancées actuelles en médecine
régénérative se sont faites sur les cellules souches adultes - avec, déjà, des
applications pratiques et des perspectives importantes - et les cellules iPS
(induced pluripotency stem cells), dont la découverte a valu à son découvreur,
le Pr Yamanaka, le récent prix Nobel de médecine. Or, aucune de ces voies de
recherche prometteuses ne pose de problème éthique. À ceux qui pensent que la
France, en n'autorisant pas cette recherche sur l'embryon, serait à la remorque
des autres nations, il apparaîtrait opportun de les informer du retard pris
inconsidérément dans les recherches sur les cellules adultes et iPS qui,
pourtant, concentrent tout l'intérêt de débouchés avec des thérapies innovantes
dans de nombreuses pathologies, dans des délais prévisibles. Une loi autorisant
les recherches sur l'embryon humain, et qui conduit à sa destruction, apparaît
scientifiquement injustifiée et éthiquement inacceptable.