Mgr Pierre d’Ornellas, Archevêque de Rennes, Le Figaro, 27 mars 2013
Notre loi de bioéthique est issue d’un vrai débat de société ; l’Église catholique s’y est engagée par le « dialogue ». Selon cette loi, la recherche sur l’embryon humain et ses cellules est par principe interdite, et les techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP) ne sont possibles qu’en cas d’infertilité médicalement constatée. Or, des parlementaires veulent modifier ces deux points essentiels : d’abord, en autorisant par principe la recherche sur l’embryon humain ; ensuite, en faisant de l’AMP un contournement de « l’infertilité sociale » entre deux personnes de même sexe. Ces changements sont-ils opportuns ?
Notre loi de bioéthique est issue d’un vrai débat de société ; l’Église catholique s’y est engagée par le « dialogue ». Selon cette loi, la recherche sur l’embryon humain et ses cellules est par principe interdite, et les techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP) ne sont possibles qu’en cas d’infertilité médicalement constatée. Or, des parlementaires veulent modifier ces deux points essentiels : d’abord, en autorisant par principe la recherche sur l’embryon humain ; ensuite, en faisant de l’AMP un contournement de « l’infertilité sociale » entre deux personnes de même sexe. Ces changements sont-ils opportuns ?
Depuis
1994, l’interdiction de la recherche sur l’embryon humain et ses cellules a été
maintenue. Cela est conforme à notre Code civil qui exige le respect de l’être
humain « dès le commencement de sa vie », en raison de sa « dignité ».
Autoriser maintenant cette recherche n’est-il pas anachronique ? En effet, le
prix Nobel 2012 du professeur Yamanaka et des progrès scientifiques attestent
que des recherches alternatives sont crédibles. Celles-ci n’indiquent-elles pas
la direction à prendre pour que la France ne soit pas en retard ?
Souvent
non dits et pourtant sous-jacents, des motifs financiers rendraient nécessaire
une telle recherche afin d’obtenir des résultats intéressant certaines sociétés
pharmaceutiques. Mais l’éthique doit-elle se soumettre à des intérêts
industriels ?
Amis
lecteurs, vous et moi, nous étions chacun, selon le regard scientifique, une
puis quelques cellules se reproduisant à l’identique avant de se différencier
selon nos tissus cellulaires, formant progressivement notre corps jusqu’à celui
que nous avons. La science apporte des confirmations à cette vérité élémentaire
et prodigieuse que le regard philosophique peut discerner : toute personne humaine
commence en étant un embryon humain. Nul ne devient humain qui ne l’est pas !
Impossible pour lui d’exister si on lui enlève ce qu’il a d’humain ! Cet
adjectif dit avec précision que cet embryon partage notre humanité. C’est
pourquoi, nous devons le respecter et, en raison de son extrême vulnérabilité,
le protéger.
L’intelligence,
instruite par la science et la philosophie, peut-elle échapper à cette logique
du respect, qui est l’honneur d’une société ? L’intelligence qui a le sens de
l’homme s’émerveille devant ce petit d’homme qu’est l’embryon et qui recèle en
lui la puissance de développement pour devenir l’adulte que vous et moi sommes
devenus. L’intelligence croyante, en harmonie avec la science et la
philosophie, y reconnaît l’infinie bonté de Dieu, Créateur et Père, qui nous
invite à être les gardiens les uns des autres, à protéger ainsi les plus
faibles.
En
légalisant l’autorisation par principe de recherche sur les embryons humains,
nous basculerions dans l’utilitarisme. Là, point d’émerveillement devant
l’humanité du plus vulnérable ! Deviendrait légal le droit de ne pas la
respecter chez l’être humain embryonnaire. Ce serait certainement une
régression.
Seulement
voilà : notre technique d’AMP produit des embryons humains en surnombre. Nous
les stockons. La tentation est grande de les utiliser pour la recherche. Leur
coût est si inférieur à celui des embryons d’animaux ! Et surtout, ils sont
vraiment humains, c’est pourquoi ils sont intéressants ! On s’autojustifie en
proclamant que cela ne change rien puisqu’ils sont voués à la destruction. En
vérité, cela change tout : la loi, en interdisant par principe la recherche,
donne un signal fort. Celui-ci est lumineux : l’humain a toujours la priorité !
(…)
Nul
progrès ne viendra sans une « écologie humaine », plus urgente que l’écologie
concernant l’environnement. Notre loi de bioéthique exige qu’un débat sous
forme d’États généraux soit organisé avant toute modification. Comme cela est
pertinent ! Dans une société gorgée de techniques, l’intelligence a de plus en
plus besoin, non d’opinions hâtives ou intéressées qui la rabaissent, mais d’un
débat qui la hisse vers le primat de l’humain. Ainsi grandie, elle concilierait
éthique de la dignité et recherche scientifique en vue de soigner le mieux
possible, ce qui est la finalité de la loi de bioéthique et mon souhait le plus
profond.