Arrêt de la Cour de justice de l’Union
européenne – octobre 2011 - Brevetabilité d’un procédé qui entraîne la
destruction d’un embryon humain
Lors de l’examen de la notion d'« embryon
humain », la Cour souligne tout d’abord qu’elle n’est pas appelée à aborder des
questions de nature médicale ou éthique, mais qu’elle doit se limiter à une
interprétation juridique des dispositions pertinentes de la directive. Ainsi,
le contexte et le but de celle-ci, révèlent que le législateur de l’Union a
entendu exclure toute possibilité de brevetabilité, dès lors que le respect dû
à la dignité humaine pourrait en être affecté. Il en résulte, selon la Cour, que
la notion d’« embryon humain » doit être comprise largement. Dans ce sens, la
Cour considère que tout ovule humain doit, dès le stade de sa fécondation, être
considéré comme un « embryon humain » dès lors que cette fécondation est de
nature à déclencher le processus de développement d’un être humain.
L’ovule
humain non fécondé, dans lequel le noyau d’une cellule humaine mature a été
implanté, et l’ovule humain non fécondé induit à se diviser et à se développer
par voie de parthénogenèse doivent également être qualifiés d’« embryon humain
». Même si ces organismes n’ont pas fait l’objet, à proprement parler, d’une
fécondation, ils sont par l’effet de la technique utilisée pour les obtenir, de
nature à déclencher le processus de développement d’un être humain comme
l’embryon créé par fécondation d’un ovule.
S’agissant des cellules souches obtenues à
partir d’un embryon humain au stade du blastocyste4 – celles-là même qui sont
concernées par l’invention portée par le brevet de M. Brüstle –, la Cour
constate qu’il appartient au juge national de déterminer, à la lumière des
développements de la science, si elles sont de nature à déclencher le processus
de développement d’un être humain et relèvent, par conséquent, de la notion d’«
embryon humain ».
La Cour examine ensuite la question de
savoir si l’exclusion de la brevetabilité portant sur la notion d'«
utilisations d’embryons humains à des fins industrielles et commerciales »
couvre également l’utilisation à des fins de recherche scientifique. Ainsi,
concernant cette dernière utilisation, la Cour observe que l’octroi d’un brevet
à une invention implique, en principe, son exploitation industrielle et
commerciale. Or, même si le but de la recherche scientifique doit être
distingué des fins industrielles ou commerciales, l’utilisation d’embryons
humains à des fins de recherche qui constituerait l’objet de la demande de
brevet ne peut être séparée du brevet lui-même et des droits qui y sont
attachés. À cet égard, l’utilisation d’embryons humains à des fins de recherche
scientifique qui ferait l’objet d’une demande de brevet ne saurait être
distinguée d’une exploitation industrielle et commerciale et, ainsi, échapper à
l’exclusion de la brevetabilité. En conséquence, la Cour conclut que la
recherche scientifique impliquant l’utilisation d’embryons humains ne peut pas
accéder à la protection du droit des brevets. La Cour rappelle toutefois, que
la brevetabilité des utilisations d’embryons humains à des fins industrielles
ou commerciales n’est pas interdite, en vertu de la directive, lorsqu’elle
concerne l’utilisation à des fins thérapeutiques ou de diagnostic qui
s’appliquent à l’embryon humain et lui sont utiles – par exemple pour corriger
une malformation et améliorer ses chances de vie.
Enfin, la Cour répond à la question sur la
brevetabilité d’une invention portant sur la production de cellules précurseurs
neurales. Elle souligne, d’une part, que cette invention, suppose le
prélèvement de cellules souches obtenues à partir d’un embryon humain au stade
du blastocyste, et, d’autre part, que le prélèvement entraîne la destruction de
cet embryon. Ne pas exclure de la brevetabilité une telle invention revendiquée
aurait pour conséquence de permettre au demandeur d’un brevet d’éluder l'interdiction
de brevetabilité par une rédaction habile de la revendication. En conclusion,
la Cour estime qu’une invention ne peut être brevetable lorsque la mise en
oeuvre du procédé requiert, au préalable, soit la destruction d’embryons
humains, soit leur utilisation comme matériau de départ, même si, lors de la
demande de brevet, la description de ce procédé, comme en l’espèce, ne fait pas
référence à l’utilisation d’embryons humains.