Dans sa lettre adressée
au Conseil d’Etat en février 2008, le premier ministre invitait ses membres à
répondre à sept questions au regard de nos principes fondateurs. Cette lettre
marquait le début de la réflexion bioéthique.
Les Etats Généraux de
bioéthique, comme le Conseil d’Etat, ont rappelé, chacun à sa manière, que le
premier principe est la dignité, fondée sur l’humanité de tout être humain. Car
chacun sait bien que les enjeux bioéthiques portent sur sa protection.
En 1994, le législateur,
lors du vote de la première loi de bioéthique, a voulu le fixer dans le Code
civil en rappelant le « respect de l’être humain dès le commencement de sa vie.
»
Ce principe s’inspire de
notre Constitution de 1958, mais également de la Déclaration universelle des
droits de l’homme de 1948 et sera confirmé plus tard par la Convention d’Oviedo
du Conseil de l’Europe en 1997, sur « La protection des droits de l’homme et de
la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la
médecine ».
Enfin, la Charte
européenne des droits de l’homme qui consacre sa première partie à la dignité
de l’être humain et déclare dans son article premier que la dignité est
inviolable.
Ces textes de référence
définissent le principe de dignité et en fait en quelque sorte la matrice des
autres principes : respect de l’identité et de l’intégrité, non patrimonialité
de l’être humain, sans oublier les principes de non-discrimination ou
d’égalité, de liberté et de solidarité, justement rappelés dans le bilan des
Etats Généraux.
Ainsi, notre droit
reconnaît ainsi la primauté de la personne humaine et le « respect de l’être
humain dès le commencement de sa vie ».
La dignité de l’être
humain est fondée sur sa nature et son humanité. D’où son caractère inviolable.
Ce principe est alors une garantie contre toute utilisation ou manipulation de
la vie humaine. Les citoyens des Etats généraux ont rappelé qu’aucune
circonstance ne pouvait contredire ce principe : « la dignité, en effet, ne
décline pas avec nos forces. Ni la maladie, ni le handicap n’altèrent notre
humanité ».
Au regard de ces
principes fondateurs quelle sera la décision du législateur sur la question de
la recherche sur l’embryon ?
En 1994, l’interdiction
de toute recherche sur l’embryon fut le fil conducteur. En 2004, les pressions
des scientifiques furent telles que le législateur tout en maintenant le
principe d’interdiction acceptait une dérogation pour une durée de cinq ans,
sous certaines conditions : aucune alternative et finalité thérapeutique.
Des cinq organismes
consultés pour avis, seule la mission d’information parlementaire propose de
maintenir le principe d’interdiction, plus cohérent avec notre droit, tout en
supprimant les conditions.
Certains (L’OPECST et
l’ABM) proposent de lever l’interdiction et d’encadrer la recherche. Le Conseil
d’État se prononce pour la levée de l’interdiction tout en gardant les clauses
très contraignantes de la loi de 2004. Or, ces clauses tombent depuis les
découvertes des potentialités thérapeutiques des autres types de cellules
souches.
Les citoyens des Etats
généraux de bioéthique proposent de maintenir le principe d’interdiction de la
recherche sur l’embryon, conforme à notre droit, mais sous certaines conditions
pour le moins discutables.
Ils distinguent parmi les
embryons produits dans le cadre de l’Assistance Médicale à la Procréation, ceux
qui font l’objet d’un projet parental et ceux qui n’en font plus l’objet. Les
premiers, enfants à naître, seraient soumis au principe d’interdiction de toute
recherche, les seconds, puisque voués à la destruction pourraient être
abandonnés à la recherche. C’est oublier :
- d’une part, que tout
embryon est le fruit d’un projet parental, c’est la raison même de sa création
dans la cadre d'une Assistance Médicale à la procréation et il ne peut changer
de finalité au gré des intentions des parents ;
- d’autre part, s’il est
évident que la vie de l’embryon, comme celle de l’enfant, dépend des soins de
ses parents, son être n’en dépend pas. Ni la volonté, ni l’intention des
parents ne peuvent remettre en cause l’être même de l’embryon, cette réalité si
mystérieuse qui fonde l’originalité et l’individualité de tout être humain.
Les prochaines lois de
bioéthique pourraient s’inspirer des lois allemandes ou italiennes qui
autorisent la création de deux ou trois embryons, tous implantés dans l’utérus
de la mère.
Le législateur n’a pas
voulu répondre à la question du statut de l’embryon, ni en 1994, ni en 2004. Et
pourtant, la réponse est implicite. En se posant la question du maintien ou non
du principe d’interdiction de la recherche ou en proposant un encadrement
juridique strict, il reconnaît que l’embryon n’est pas une chose. Ce que les
scientifiques confirment : c’est bien le processus de développement de la vie
d’un être humain qui commence au moment de la fécondation et qui ne prendra fin
qu’à la mort.