dimanche 14 juillet 2013

"Le principe d'interdiction traduit la vision éthique selon laquelle la raison discerne dans l'embryon humain vivant un être humain."

Mgr d'Ornellas, chargé des questions bioéthiques à la Conférence des évêques de France - L'express, 10 juillet 2013

Réunir les intelligences, aux compétences variées, permet d'être plus clairvoyant. Nous l'avons vu aux États Généraux de la bioéthique en 2009. Ce débat a favorisé le "dialogue" où est cherché le juste progrès auquel nous sommes tous attachés pour que soient soignées le mieux possible les malades.
Ce débat s'est conclu en juillet 2011 par le maintien dans la loi du principe d'interdiction de la recherche sur les embryons humains et sur les cellules souches embryonnaires. En raison d'éventuels espoirs médicaux, des dérogations ont été admises sous conditions. L'une d'elles est l'absence de recherche scientifique alternative d'efficacité comparable n'utilisant pas d'embryons humains.
Aujourd'hui, le débat est à nouveau ouvert, mais en étant réduit au Parlement. Certains veulent que cette recherche soit "autorisée", en étant encadrée. L'enjeu n'est pas mineur. C'est pourquoi le législateur de 2011 a pensé judicieux de faire précéder tout changement de la loi de bioéthique par un débat sous forme d'États généraux. Pourquoi cet article de la loi ne s'applique-t-il pas à la recherche sur l'embryon humain?

Le principe d'interdiction a été maintenu par cohérence avec notre droit français qui est articulé sur le respect de la dignité humaine et sur la protection du plus vulnérable. Notre droit répugne à l'instrumentalisation de l'être humain. Or, l'embryon humain est une "personne humaine potentielle", affirme le Comité Consultatif National d'Éthique. S'il représente une "énigme", souligne ce même Comité, alors il "doit, dès sa formation, bénéficier du respect lié à sa qualité". Cet embryon humain est ce que chacun de nous avons été, au tout début de notre existence, se développant progressivement avant de naître et de dévoiler son visage. Voilà l'admirable "énigme" qui s'impose à nous avec évidence.
Le principe d'interdiction traduit la vision éthique selon laquelle la raison discerne dans l'embryon humain vivant un être humain. Certes, il apparaît comme un ensemble de cellules, mais la science dit plus: celles-ci sont unifiées dans un unique processus vivant et harmonieux de développement. Oui, l'embryon humain partage notre humanité; il doit être protégé et ne peut être instrumentalisé.
Supprimer le principe d'interdiction est un risque. Une brèche serait ouverte dans notre droit: soit - et ce serait la première fois - il deviendrait légal d'instrumentaliser l'être humain; soit l'embryon humain est juridiquement une "chose", mais alors comment deviendrait-elle une "personne"? Cette hypothèse est un non-sens. Nul ne devient humain qui ne l'est pas au début. Tel est en définitive le signal fort que fait entendre ce principe: il y a un écosystème humain qu'il convient de respecter. Ne pas le respecter, nous le savons bien, finit tôt ou tard par se retourner contre nous.
Aujourd'hui, la science a trois voies de recherche: 1/ Les cellules souches adultes. 2/ Les cellules iPS, produites sans destruction d'embryons humains, ont les qualités des cellules souches embryonnaires; leur principal inventeur, Yamanaka (prix Nobel 2012), a pointé "les difficultés éthiques concernant l'utilisation des embryons humains." 3/ La "conversion directe" découverte par trois équipes de scientifiques en 2010 (l'un d'eux a reçu un prix "jeune chercheur" en 2013 à Boston): convertir une cellule différentiée en une autre cellule différentiée, sans passer par l'état de cellule souche qui risque d'induire un cancer; ainsi, des cellules transdifférenciées remplaceraient des cellules malades.
L'écologie, qui est si nécessaire, est aussi humaine. L'écosystème humain allie éthique et recherche scientifique. Là est le progrès! La sagesse politique laisse au débat le temps nécessaire pour le discerner. Elle est appelée à voir loin, sans se soumettre aux intérêts à court terme. Lever à la va vite le principe d'interdiction serait une défaite de la pensée et n'irait pas dans le sens du progrès.