dimanche 21 juillet 2013

"Qu’adviendra-t-il demain des grabataires que plus personne ne soutient et qui n’ont plus de projet de vie ? Seront-ils eux aussi disponibles pour la recherche ? "

Le cardinal André Vingt-Trois est archevêque de Paris. Il se rend aujourd’hui au Brésil pour accompagner les 5 500 Français qui participent aux Journées mondiales de la jeunesse (JMJ). Entretien avec Le Parisien, 21 juillet 2013.

Vous vous êtes opposé à la loi autorisant la recherche sur l’embryon adoptée cette semaine. Que redoutez-vous ? 
ANDRÉ VINGTTROIS. Beaucoup de choses. Jusqu’à présent les autorisations étaient dérogatoires. Elles devaient correspondre à un protocole de recherche fournissant des objectifs thérapeutiques clairs, montrant qu’il n’y avait pas d’autres moyens d’y parvenir. Les laboratoires et les chercheurs devaient justifier leur demande. Aujourd’hui, on inverse la charge de la preuve, en rendant l’utilisation légale et l’interdiction dérogatoire.


La recherche sera pourtant encadrée…
Oui, mais ce sont des motifs de recours a posteriori.Une fois que ce sera fait, ce sera fait… On pourra dire que ce n’était pas bien de le faire, mais ça ne changera rien. Mon autre crainte, plus importante, c’est qu’on banalise l’instrumentalisation de l’humain dans la recherche scientifique. On m’oppose que ce sont des embryons qui n’ont plus de « projet parental », donc qui n’auraient pas de valeur humaine. Mais si on pousse cette logique jusqu’au bout, qu’adviendra-t-il demain des grabataires que plus personne ne soutient et qui n’ont plus de projet de vie ? Seront-ils eux aussi disponibles pour la recherche ?

Quel est le statut de l’embryon pour vous ?
C’est une question philosophique. On est devant un stade élémentaire de l’existence humaine, qui n’a pas toutes les facultés accomplies d’une personne,mais quimérite d’être traité comme une personne humaine, avec lemême respect. Que faudrait-il faire alors des 50 000 embryons surnuméraires, ceux qui ne sont pas retenus pour les fécondations in vitro ? Il ne fallait pas les faire ! Il y a bien des pays qui pratiquent l’aide médicale à la procréation sans embryons surnuméraires.

Elle répond toutefois à une souffrance…
Il y a beaucoup de souffrances auxquelles on ne peut pas remédier. Si on dit que toute souffrance doit être supprimée à quelque prix que ce soit, alors où se situera la frontière ? Les OGM peuvent être une ressource importante pour combattre lamalnutrition à travers le monde, c’est un objectif tout à fait digne. Mais on nous dit que c’est moralement mauvais. On inscrit le principe de précaution dans la Constitution, on l’applique pour les OGM, mais pas pour l’être humain. Pourquoi? L’écologie doit d’abord être au service de l’homme.

Vous n’avez pas été entendu sur le mariage pour tous, ni sur l’embryon. Y voyez-vous une fracture entre l’Eglise et le monde politique?
Ce sont des conceptions de l’existence humaine qui se confrontent. L’Eglise participe à ce débat. Je ne crois pas que ce soit inutile. Ce n’est pas parce qu’on ne gagne pas politiquement que ce qu’on fait ne sert à rien ou que ce qu’on a dit est tombé dans le vide. Des gens nous ont entendus, se sont mobilisés, en particulier parmi les jeunes. Beaucoup n’avaient pas pressenti que l’enjeu dépassait leur petite histoire personnelle et touchait le bien commun. Si on a permis à des gens de progresser dans leur manière de comprendre la vie, de se poser des questions, alors c’est un résultat important, un bénéfice.
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